vendredi 29 mars 2024

Vu : Dune 2e partie de Denis Villeneuve

J'en finis avec mon périple dans les dunes d'Arrakis en vous livrant cet avis sur Dune deuxième partie de Denis Villeneuve.


Dune 2 Denis Villeneuve Affiche française


Après la réussite du premier épisode, Dune nous revient avec une continuité formelle, mais une narration différente. Denis Villeneuve livre cette fois un film plus dense, plus sombre, autour d’un scénario qui a tendance à exacerber ses qualités et ses défauts. Retour sur Arrakis, juste après la mort du Fremen Jamis…

 

ATTENTION : cette chronique contient des spoilers !

 

En quelques secondes, Dune deuxième partie reprend la conclusion dramatique du film précédent : la princesse Irulan rappelle l’élimination des Atréides alors que l'on assiste à la carbonisation des corps des vaincus. Un aigle de la maison de Caladan fond en gros plan, première scène marquante d’une très longue série.
Denis Villeneuve poursuit la réussite formelle du premier opus, multipliant les plans signifiants ou les séquences visuellement soignées. Dans la clarté du soleil, le voile d’une tempête, l’obscurité d’une caverne, il ne cesse de flatter la rétine pour iconiser son univers et ses personnages. C’est à ce point réussi qu’on aimerait à plusieurs reprises se lever et faire pause afin d’observer l’image en détails. Sur la durée, la puissance visuelle ne se dément jamais. Elle se complète d'effets spéciaux très réussis et d'une musique qui contribue particulièrement à l'ambiance générale.


 

Harkonnen burns Atreides and the Sietch

Cette force se prolonge dans le propos du film. La réalisation appuie l’émergence du messie qui est au cœur de l’histoire. Paul Atréides suit un parcours initiatique et dramatique qui va le conduire exactement là où il ne voulait pas aller. Programmée pour devenir le Kwisatz Haderach, il va tout tenter pour l’éviter avant s’y piéger. Le poids de la destinée de son personnage principal se retrouve dans les plans écrasants, les jeux d’échelle.
Son itinéraire de héros n’est pas surprenant dans la forme, mais plutôt dans sa radicalité : s’il résiste un temps au destin qu’on veut lui écrire, Paul l’embrasse totalement au moment où il lance à sa mère : « We’re Harkonnens. This is how we will survive. By being Harkonnens. » (« Nous sommes des Harkonnens. C’est ainsi que nous survivrons. En étant des Harkonnens. »). A partir de cet instant, Paul ne va jamais dévier, jamais hésiter. C’est assez rare tant les valses hésitations des personnages principaux sont la norme ces dernières années. Si l’on compare son choix à celui d’Anakin Skywalker dans la Prélogie Star Wars, on constate que leurs parcours sont communs (des visions les poussent à agir pour éviter un destin écrit), mais qu’Anakin bascule avec hésitation, là où Paul tranche immédiatement et n’hésitera plus. A partir de là, les deux suivront un itinéraire similaire et perdront la femme qu’ils aiment pour acquérir le pouvoir qu’ils convoitent. Mais là où Anakin paiera dans sa chair son ambition, Paul obtiendra presque tout ce qu’il convoitait.


 Paul Atreides vs Feyd Reutha Harkonnen


Pour prolonger ce parallèle, la notion d’Élu et de Messie est au cœur du dispositif narratif de Dune deuxième partie. A mi-chemin, le film décide de s’attarder sur les Bene Gesserit qui œuvrent pour tenter de garder sous contrôle la galaxie. Ce groupe de femmes très puissantes, avec la Révérende Mère et la fille de l’Empereur, tente d’organiser le choix du remplaçant de l’Empereur.
Pendant ce temps, sur Arrakis, Jessica est devenue la révérende mère des Fremens et elle fait tout pour que son peuple croit en la prophétie d’un sauveur, construction des Bene Gesserit. Le scénario dessine ici les contours de l’utilisation de la religion à des fins politiques. Il est très surprenant que le studio Warner ait laissé intact le propos, qui pourrait être mal interprété vu la proximité entre l’imagerie Fremen et celle du monde musulman (ça s’arrête d’ailleurs à la surface, mais il a suffit de moins pour créer des polémiques).  Les Fremens sont finalement des victimes, programmés sur des générations pour croire en un mythe supérieur avant d’être utilisée comme chair à canon dans une guerre ultime. Il est appréciable d’avoir nuancé le propos autour de ce peuple, entre les intégristes (dont Stilgar représente la caricature, qui est en train de devenir une usine à mêmes) et la jeune génération qui attend plutôt un meneur issu de leurs propres rangs.  
J’aime beaucoup quand le cinéma essaie de s’emparer de thèmes universels comme notre histoire, la création des mythes. La science-fiction est un terreau fertile pour de tels sujets. C’est une des raisons qui me font aimer les Star Wars de Georges Lucas. Dune parvient à bien illustrer également ces thèmes, visuellement ET thématiquement.

 

Paul and Shani in the sands - Paul attacks Arrakeen

 

Le casting contribue à nous plonger dans cet univers. Le couple formé par Timothée Chalamet (Paul) et Zendaya (Shani) fonctionne bien. Leur histoire est bien amenée, notamment par les scènes dans le désert, comme lorsqu’ils pratiquent ensemble la danse du désert. Villeneuve cherche à nous plonger dans leur intimité en cadrant proche d’eux. Dans la deuxième partie, j’ai beaucoup apprécié que Chalamet démontre un « charisme » contraint qui colle bien à l’histoire de son personnage.
Autour d’eux, il y a beaucoup de monde, parfois pour quelques minutes seulement. Austin Butler est l’ajout de marque de cette deuxième partie, où il interprète Feyd-Reutha. Son introduction, sur Geidi Prime, avec ses tons bicolores (noir et blanc), est très réussie. Il affiche en peu du temps du charisme et un sadisme qui donne un peu d’épaisseur à la maison Harkonnen, particulièrement fade dans cette seconde partie. C’est un des problèmes du film, qui ne parvient pas à rendre la menace adverse très impressionnante, vu le peu de temps qu’il peut y consacrer. De fait, le nœud autour de l’intrigue principale de la lutte pour l’Épice est réglée par une sous-intrigue (les ogives Atréides) aussi mal amenée que décevante.
La maison impériale est présente via la princesse Irulan (Florence Pugh) et l’Empereur (Christopher Walken). Si la première se défend très bien malgré une maigre présence, Walken est très monolithique et n’a pas le temps de nous montrer l’étendue de son talent, ce qui est dommage.
Les deux autres membres du casting dont on profite le plus sont Rebecca Ferguson (Dame Jessica) et Javier Bardem (Stilgar). La première donne à son personnage une détermination très différente du premier opus. Elle en fait une Bene Gesserit puissante, quasi fanatique, qui offre quelques scènes sombres. A l’inverse, le fanatisme de Stilgar quant au mythe d’un prophète est presque amusante. Pourtant, elle est simple et sincère, ce qui accentue l’aspect touchant du personnage.

 

Paul becomming South Messia - Worm army

 

J’ai cherché pendant longtemps à comprendre pourquoi j’aimais ce Dune deuxième partie sans m’enthousiasmer, comme pour la première partie. Est-ce son trop plein, qui l’oblige à utiliser l’ellipse et à abréger le rôle de certains personnages ? Le fait que ce ne soit finalement que la deuxième partie d’un même film, alors que tous les espoirs pouvaient naître des promesses de ce second opus ? Je ne sais pas trop. D’autres visionnages seront nécessaires.
Ce que je sais en tout cas, c’est que j’ai pris beaucoup de plaisir à arpenter Arrakis. Ce qui peut rebuter chez Villeneuve m’attire beaucoup : un cinéma visuel, à la recherche de la belle image, qui se montre adulte dans son ton dans un premier degré qui me convient très bien. 

vendredi 22 mars 2024

Dune 2e partie de Hans Zimmer (2024)

 
 

13 eme épisode de #Ma BO cette semaine


L'album de cette deuxième partie continue la partition d’origine et Hans Zimmer y développe des thèmes déjà connus. C'était écrit, dirait Stilgar ! Il y introduit aussi de nouveaux motifs qui rendent l’écoute plus agréable et structurée.

Le principal intérêt de la partition porte sur le love theme de Dune. Déjà introduit dans le sketchbook via la suite House Atreides, il a droit à sa propre suite ici : Beginnings are such delicates things. D'une durée de près de 9 minutes, elle le reprend comme un long développement du motif original, cette fois joué au Duduk par Pedro Eustache, collaborateur de longue date de Zimmer.
Le thème structure l’album (comme le film) et apparaît à plusieurs reprises : dans A time of quiet between the storms, il est développé de belle manière et se conclue sur un accompagnement au synthétiseur qui rappelle le compositeur Vangelis.
Mais sa plus belle version est Kiss the Ring, version épique à la Zimmer qui illustre les tous derniers plans de Dune deuxième partie. D’abord repris en version douce, il éclate ensuite avec un très beau moment solo du violoncelle électrique. Une soliste vient le reprendre une dernière fois. C’est une très belle version qui colle parfaitement aux images.
Une version finale du thème, où instruments et soliste se cumulent, se retrouve dans les premières minutes de Only I will remain, qui sert de End Credits dans le film.



 

Cette même piste présente également le thème lié à la destinée messianique de Paul, qu’on retrouvera dans les pistes liées à la destinée en général, comme Paul Drinks ou South Messiah.

Mais ce destin est intimement lié aux visions de Paul, il est donc logique que l'on rencontre d’autres thèmes qui reviennent régulièrement lors de l’écoute, dont bien sûr les itérations de Paul’s Dreams, le thème principal de la duologie de Denis Villeneuve.
Il émerge souvent de manière puissante comme à la fin de Harvester Attack ou sur Worm Ride, quand Paul témoigne de ses capacités à s’intégrer parmi les Fremens. Il se fait parfois plus rock/electro comme sur Travel South. On le retrouve avec Loire Cotler sur Resurrection, où il se mélange au thème des Bene Guesserit.
Sa version la plus éclatante reste l’ultime piste, Lisan Al Graib, où une version rock orchestrale se déploie sur plus de six minutes.




De nombreux motifs parsèment l’album, qu’ils soient nouveaux (celui de l’Empire sur The Emperor ou Arrival, l’Epice dans Spice ou Each man is a little war) ou anciens (Les Harkonnens, doublés d’un ajout pour Feyd Reutha introduit sur Harkonnen Arena). Ils aident à structurer fortement l’album, où l’on se surprend à guetter la prochaine apparition, le moment de suspension suivant. 

 

Malgré son aspect electro sound design, Dune deuxième partie se révèle très narratif. Il faut bien sûr en accepter la forme. Le compositeur a opté pour une approche non-orchestrale qui peut rebuter (et je le comprends). Toutefois, dans le film comme en écoute isolée, la BO participe à l’ambiance particulière d’Arrakis, ses nombreux motifs conduisant d’une piste à l’autre un travail dont on découvre peu à peu la construction et la richesse.

jeudi 21 mars 2024

Dune et moi

Dune et moi

 

Il n'est pas tout de vous parler du premier film de Denis Villeneuve ou de la musique de Hans Zimmer. En effet, j'ai moi aussi côtoyé de loin en loin Dune depuis mon adolescence. Au moment de se retourner en arrière, je constate que l'univers de Frank Herbert m'a longtemps suivi, même si j'en ai jamais été un passionné ou un érudit.

 

Ecran accueil jeu Dune 2000

 

Mon premier souvenir remonte au début de l'adolescence. J'ai découvert les jeux vidéos par l'Amiga et parmi les jeux que j'avais sur disquette (vi vi) se trouvait Dune. Le jeu, sorti en 1992 et développé par les français de Cryo, mixait les scènes d'action/aventure avec un jeu de gestion en temps réel rudimentaire. Je garde des souvenirs assez distants de tout cela, avec le vol des ornithoptères, de la stratégie aussi. Je vous propose cette courte vidéo de pixel-maniac si vous voulez vous faire une idée.  

Tombé amoureux des jeux de stratégie, je suis retombé sur Dune en jouant sur PC. Avec Dune 2000 de Westwood Studios (le studio derrière le mythique Command and Conquer), je me suis lancé dans les factions. On y croisait diverses maisons et l'histoire progressait via des vidéos où l'on trouvait notamment John Rhys-Davies en conseiller Atréides. J'ai encore de gros souvenirs de la progression en escaliers des parties, basées sur la récolte de l’Épice, dont voici une vidéo qui retranscrit bien la construction


Dune Tv Series Poster


Et puis est arrivée la série SciFi Dune, enchainée avec les Enfants de Dune. Je garde des souvenirs confus de la première série : c'était vers 2004/2005, sur M6 je crois et je garde des images en tête de William Hurt interprétant Léto Atréides. Mais c'est bien tout. Pareil pour les Enfants de Dune, que j'ai bien vu bien plus tard : les seules choses qu'il m'en reste, c'est un jeune James McAvoy.

Mais ce qui m'a longtemps suivi à travers de nombreuses années, c'est la musique de Brian Tyler. Si son thème principal a été utilisé à de nombreuses reprises en bande annonce ou dans des présentations d'émissions, il est surtout épique et très inspirant.


Couverture livre Dune Pocket


C'est bien plus tard que j'ai lu le roman Dune de Frank Herbert. Avec le recul, je trouve amusant que le découpage du film suive à peu près celui de la publication poche française, une désagréable tradition éditoriale de notre pays. Mais je suis loin d'avoir été passionné par le roman : si je lui reconnais son univers et son fond, j'avais trouvé l'ensemble daté. 

Je n'ai pas creusé plus loin mon exploration des autres romans et je suis donc loin d'être intégriste sur la question. Mes souvenirs me rappellent que les films suivent la trame, mais parfois s'en affranchissent. En bref, adapter, c'est trahir ! Mais je vais bientôt revenir sur le deuxième film...