samedi 23 avril 2011

Vu : Chris Colorado

"C'est quand même un comble d'être le commandeur du monde et de ne pouvoir obtenir un café" (Richard Julian)

C'est sur cette citation typée Série B que se lance le premier épisode de Chris Colorado, une série en 26 épisodes produite en 2000 par Animage pour AB Productions. Oui, oui, AB, les propriétaires du Club Dorothée et de tous les animés qui vont avec. Série de science-fiction, elle relate les aventures dans un monde post-apocalyptique de Christopher Krantz (alias Chris Colorado), un ancien soldat banni pour trahison, et qui entre au service personnel du commandeur du monde Richard Julian. Ce dernier est le chef de la Fédération Mondiale, une entité qui regroupe les mondes libres nés à la suite de la chute d'une gigantesque météorite sur Terre (et qui a détruit plusieurs pays dont la France). Ils doivent affronter Thanatos, leader d'une secte tentaculaire appelée Groupe 666 qui entend bien dominer le monde et asservir tous les peuples à sa doctrine.


Les scénaristes qui ont officié ici, Thibaut Chatel, Frank Bertrand et Jacqueline Monsigny, se sont inspirés du cinéma et passent par tous les clichés d'une histoire de ce style : trahison, révélations fracassantes, retournements de situation incessants, rien ne nous est épargné. Mais c'est aussi ce rythme qui distingue Chris Colorado du reste de la production animée française : à vrai dire, on a rarement vu aussi ambitieux sur ce type de média dans notre beau pays.
Pourtant, tous les clichés possibles et imaginables sont là. Mais le spectateur, même peu indulgent, ne peut nier l'ampleur que les scénaristes donnent à l'histoire, le risible étant évité parfois de justesse.

"Personne ne sait si la lumière brillera jusqu'à demain"(l'indien Hopi Chippowak, meilleur ami de Chris, philosophe à ses heures)

C'est  cet équilibre précaire que la série va patiemment entretenir après l'épisode 8, le début de la série servant à poser les bases sur lesquelles l'histoire va se construire. Et là, force est de constater que tout marche à merveille : c'est noir, aucun personnage n'est manichéen, et le charisme d'un Richard Julian ou d'un Thanatos rattrapent aisément les petites fautes de goûts inhérents à ce style de récit aux retournements perpétuels.
La série s'adresse principalement aux adolescents, voir aux adultes et, fait particulier, se construit sur une histoire structurée à suivre d'un épisode à l'autre. De nombreuses références renvoient au cinéma (premier épisode hommage à Carpenter et New York 1997, citation directe de A la poursuite d'Octobre Rouge dans l'épisode 23 intitulé Chasse à l'homme, ambiance James Bond tout du long avec grands méchants aux plans diaboliques et au rire gras) et la chorale qui accompagne chaque épisode rappelle les grands moments de Carmina Burana.



Les arcs narratifs de Chris Colorado sont particulièrement prenants pour une série de ce type. Jouant sur le cliché 1 épisode = 1 aventure, la série tisse sa toile et utilise à bon escient sa galerie de personnages. Je ne compte pas m'étendre ici sur le scénario car je crois qu'il faut découvrir la série de bout en bout pour l'apprécier pleinement. Les principales informations sont disponibles sur la très bonne
Fiche Wikipedia de la série.

Les personnages sont en tout cas très attachants. Chris travaille comme agent spécial pour Richard Julian avec son meilleur ami Chippowak, un indien au proverbe facile et souvent très drôle. Leur duo fonctionne à merveille et donne beaucoup d'énergie à la série. Dans le camp de la Fédération, ils peuvent plus moins compter sur le contre-amiral Mitchell, responsable de la sécurité du Commandeur, et sur l'aide de camp de Julian : Rebecca Wong. Les amitiés et inimitiés qui se lient se justifient tous par l'image, ce qui est une gageure tant les intrigues personnelles croisent en permanence la grande histoire de ce monde prêt à sombrer dans le chaos. Ils profitent du doublage de la crème de nos acteurs spécialisés, comme Emmanuel Curtil (doubleur de Jim Carrey, Matthew Perry dans Friends ou Dean Cain dans Lois et Clark), Dominique Paturel (Colt Seavers dans l'Homme qui tombe à Pic ou Hannibal Smith dans l'Agence tout Risques), Daniel Beretta (la voix de Arnold Scwharzenegger) ou Roger Carel pour n'en citer que quelques uns.

Je tiens juste à souligner que l'absence de manichéisme est un grand plus dans l'intrigue. Au fur et à mesure que l'intrigue avance, on se rend compte que personne n'est blanc dans cette affaire et que "la malédiction des Krantz", la famille de Christopher dont il essaye de percer les mystères, en fait des personnages profondément humains. Hommage particulier doit être rendu à Richard Julian, le seul qui semble avoir un tant soit peu d'honneur dans ce monde en pleine reconstruction.


Côté S.F., le cocktail entre légende Maya, haute technologie, catastrophe de grande ampleur et météorite corruptrice se boit comme du petit lait. L'univers post-apocalyptique et les conséquences qui l'accompagnent (Zone interdite, peuple mutant, décor de fin de monde) tend à immerger le spectateur dans ce futur sombre. La technologie se base principalement sur les ondes magnétiques et une roche, la magnétite. Rien ne m'a paru choquant tant que l'on part du principe que les auteurs ont surtout recherché l'aspect sériel, et pas une crédibilité scientifique.

Chris Colorado est d'abord et avant tout une série d'aventure action, teintée de politique, d'histoires de famille, de philosophie parfois. Il faut être assez mature pour cerner les enjeux et les comportements des différents protagonistes. Sans faire le procès de l'animation française, il faut remarquer l'idée dominante chez la majorité des producteurs de l'hexagone qui est que le dessin animé est réservé à un public d'enfants entre 2 et 10 ans. Idée passéiste si il en est, l'animé japonais ayant depuis longtemps noyé les limites d'âge. Mais alors, comment Chris Colorado a-t-il pu émerger dans un tel paysage ? La série, faite pour être regardée dans l'ordre, peut-elle réellement convenir à un enfant dans cette fourchette d'âge basse ? La réponse est bien évidemment non.
Sans surprise, la série a été annulée au bout d'une saison alors que la promesse d'une nouvelle orientation de l'histoire se faisait jour au terme de l'épisode 26 : le destin des Krantz. Plus agaçant est l'absence d'une édition DVD digne de ce nom (mais peut-on vraiment s'en étonner de la part du groupe AB ?) et la confidentialité dans laquelle la série est laissée : essayez donc de trouver des images de la série sur le net alors que son site officiel a été fermé. Je m'excuse, d'ailleurs, pour la pitoyable qualité des images qui illustrent cet article.


Pour ma part, j'ai adoré le mélange des genres et c'est forcément quelque chose que j'ai envie de reproduire. A vrai dire, Chris Colorado pourrait donner une super série de romans détente, si l'auteur pense à se freiner quand aux rebondissements trop nombreux. Bien distillés, ils pourraient donner une dynamique incroyable au récit, et j'aimerai réussir à faire pareil sans tomber dans le kitsch ou le revu. Mêler divertissement et réflexion n'est pas aisé, la série s'en accomode très bien malgré une accélération dans les derniers épisodes qui laisse penser que les créateurs de la série voulaient mettre un premier point à leur intrigue. D'un point de vue narratif, si l'on excepte quelques ellipses maladroites, le rythme est soutenu, et il n'y a jamais d'ennui. C'est vers cela que je veux tendre.
Plus que tout, j'aimerai réussir à humaniser mes personnages autant qu'ils le sont dans la série. Les évènements forgent ces héros, leur donnent une âme, et c'est bien dans cette direction que je veux aller. Le charisme d'un héros se crée à travers ses actes, ses choix, ses convictions. Chris Colorado nous en offre à nouveau la preuve.

Malgré les critiques qu'on peut faire à la série, il faut regarder Chris Colorado et en parler, car on ne peut que soutenir l'ambition de ses créateurs et espérer qu'une suite verra le jour, d'une façon ou d'une autre.

Liens utiles :

Animeguides (descriptif de chaque épisode)
Fiche Wikipedia Chris Colorado

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